Tatouage et Image de Soi : Que révèle l'encre sur notre peau ?
- Frederic Caudiere
- 24 mai
- 4 min de lecture

Le tatouage, longtemps considéré comme marginal, est aujourd’hui un phénomène culturel largement intégré. Que ce soit pour marquer un passage de vie, exprimer une identité, ou simplement pour des raisons esthétiques, le tatouage interroge profondément notre rapport à l’image de soi. En tant que psychologue clinicien, je vous propose d'explorer le lien complexe entre tatouage et psychologie, en répondant aux questions les plus fréquentes sur le sujet.
Tatouage : un acte symbolique aux multiples significations
Le tatouage ne se résume pas à un effet de mode ou à une coquetterie esthétique. Il peut répondre à une diversité de motivations, conscientes ou inconscientes. Parmi les significations les plus fréquentes:
Symbolique : le tatouage peut incarner un souvenir, un lien affectif, une croyance, un passage de vie (deuil, naissance, transformation).

Rituel : dans certaines cultures, le tatouage fait partie intégrante d'un rite de passage ou d'enracinement dans une histoire familiale ou spirituelle.

Esthétique : pour d'autres, l'enjeu est avant tout artistique : le corps devient une toile d'expression.

Identitaire : chez certains patients, le tatouage constitue un ancrage, un moyen de se réapproprier un corps meurtri ou de reconstruire une image de soi.

1. Pourquoi se fait-on tatouer ? Une question d’identité et de sens
Le tatouage peut avoir de multiples significations psychologiques. Pour certains, il s’agit d’un acte symbolique fort : un hommage à un proche, une date marquante, une représentation spirituelle. Pour d’autres, le tatouage fait partie d’un rituel de passage — marquant l’entrée dans une nouvelle étape de vie, la résilience après un trauma, ou l’affirmation d’une indépendance retrouvée.
Enfin, il y a l’aspect purement esthétique : se tatouer pour embellir son corps, le modifier ou le revendiquer comme œuvre personnelle. Le tatouage devient alors un support de l’expression de soi, un langage corporel à part entière
.
2. Le tatouage est-il un signe de trouble psychologique ?
C’est une idée reçue encore trop répandue. Non, le tatouage n’est pas en soi un indicateur de trouble mental. Des études en psychologie clinique montrent que la majorité des personnes tatouées ne présentent pas plus de troubles psychologiques que les non-tatoués.
Cela dit, dans certains contextes cliniques (comme les troubles borderline ou les épisodes dépressifs majeurs), le tatouage peut être utilisé comme un moyen de canaliser une douleur émotionnelle. Il devient alors un outil de régulation affective — ce qui ne signifie pas pathologie, mais appelle à une compréhension plus fine du vécu de la personne.
3. Quel est le lien entre tatouage et image corporelle ?
Le tatouage agit comme un prolongement de l'image corporelle. Il permet de réapproprier son corps, notamment après des expériences où celui-ci a été malmené (trauma, maladie, violences…). En inscrivant une image, un mot ou un symbole sur sa peau, l’individu reprend la main sur son récit corporel.
Certaines personnes ayant souffert de dysmorphophobie, de troubles du comportement alimentaire ou d’un sentiment d’aliénation corporelle trouvent dans le tatouage une forme de reconquête identitaire.
4. Les jeunes se tatouent-ils pour « exister » dans le regard des autres ?
C’est une question que l’on me pose souvent en consultation. Il est vrai que l’adolescence est une période charnière pour la construction de l’identité. Dans ce contexte, le tatouage peut être une tentative de se distinguer, de se définir, voire de provoquer.
Cependant, il ne faut pas réduire l’acte à un simple besoin d’attention. Le tatouage peut aussi être un outil de narration personnelle, un marqueur de résilience, un objet transitionnel psychique. L’important est de comprendre le sens subjectif que la personne attribue à son tatouage.
5. Peut-on regretter un tatouage ? Que dit la psychologie du "regret corporel" ?
Oui, le regret existe. Et il n’est pas toujours lié à l’esthétique ou à la qualité du tatouage. Il peut être le reflet d’un changement identitaire ou émotionnel : ce que ce tatouage représentait à un moment donné peut ne plus faire sens aujourd’hui.
En psychologie clinique, on observe que le regret survient souvent lorsque le tatouage a été fait dans un moment de crise ou sans réflexion. C’est pourquoi il est toujours conseillé d’explorer les motivations profondes derrière l’acte, parfois même avec un professionnel, avant de passer à l’acte.
6. Le tatouage peut-il améliorer l'estime de soi ?
Oui, dans de nombreux cas. Se tatouer peut renforcer l'estime de soi, notamment chez les personnes qui ont un rapport conflictuel à leur corps ( après une maladie, une opération, un trouble de l'image corporelle). Le tatouage agit comme une forme de réappropriation corporelle : "ce corps est à moi, je le choisis, je l'habite."
7. Le tatouage peut-il avoir une fonction thérapeutique ?
Oui, dans certains contextes. Des personnes se font tatouer à la suite de traumatismes, de violences, ou pour masquer des cicatrices physiques ou psychiques. Le tatouage devient alors un acte de guérison. En consultation, il n'est pas rare d'entendre qu'un tatouage a permis de reprendre le contrôle sur une partie de soi. Ce geste corporel peut accompagner un processus thérapeutique plus large, bien qu'il ne le remplace pas.
Conclusion : le tatouage, miroir de l’âme ou de l’époque ?
Le tatouage est à la croisée de plusieurs dimensions : culturelle, psychologique, identitaire, esthétique. Il traduit une volonté d’appropriation du corps et peut devenir un outil puissant de symbolisation, de réparation, voire de transformation de l'image de soi.
En tant que psychologue clinicien, je considère le tatouage non pas comme un simple acte décoratif, mais comme une narration vivante, inscrite dans la peau, du parcours intérieur de chacun. Mieux le comprendre, c’est aussi mieux accompagner celles et ceux qui en font le choix.
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